Le glucose est un carburant indispensable à la vie. Il apporte l’énergie dont nos cellules ont besoin pour assurer leurs différentes fonctions, et se faisant nous permet de nous adapter à notre environnement.

Quel que soit le moment de la journée, quelle que soit la nature de notre activité (mentale et/ou physique), sa disponibilité est donc essentielle. Dans ce contexte, personne ne sera surpris d’apprendre que la glycémie, qui représente la concentration de glucose dans le sang, est une variable très finement régulée. Pour se faire, nous retrouvons aux manettes deux hormones libérées par le pancréas et dont l’action est opposée : l’insuline, qui exerce un effet hypoglycémiant et va permettre de baisser la glycémie lorsqu’elle est trop élevée, et le glucagon, qui va quant à lui augmenter l’apport de glucose dans le sang quand l’organisme en manifeste le besoin. Associée à d’autres mécanismes complémentaires avec lesquels elle interagit, cette régulation hormonale va permettre de maintenir la glycémie dans des limites très étroites : entre 80 et 100 mg par décilitre de sang.

Cependant, il peut arriver que cette belle mécanique s’enraye et ne soit plus en mesure de réguler la glycémie de façon efficace. Cette affection métabolique porte un nom : le diabète. Selon l’origine du dysfonctionnement, on le qualifiera de diabète de type 1 ou de diabète de type 2. Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune qui apparaît généralement avant 30 ans, et dont la conséquence est une déficience de la sécrétion d’insuline. Il concerne environ 6% des diabétiques (4). Le diabète de type 2, qui concerne quant à lui plus de 90% des diabétiques, apparaît en moyenne plus tardivement au cours de la vie (4). Il est la conséquence d’une déficience de l’action de l’insuline sur nos cellules, qui peut mener à terme à une déficience de sa sécrétion. Dans les deux cas, la conséquence est une quantité anormalement élevée de glucose dans le sang, que l’on appelle hyperglycémie. Comme c’est le cas pour l’hypertension artérielle, l’âge et les habitudes de vie sont les principaux facteurs de risque de cette maladie qui concernait 3,1 millions de français en 2015, et probablement près de 4,1 millions en 2020 (www.ameli.fr). Ils ne sont pas les seuls, puisque la prévalence du diabète dépend également du milieu de vie (3), et des niveaux de diplôme ou de revenus (11). Pour le diabète de type 2 comme pour la plupart des maladies dites de civilisation, la clé est donc l’éducation.

Les conséquences potentielles du diabète sur la santé sont nombreuses. Une hyperglycémie, lorsqu’elle est chronique, peut affecter durablement les fonctions nerveuse ou rénale, et avoir des conséquences spécifiques au niveau des yeux ou des pieds. Elle va aussi et surtout affecter le système cardiovasculaire. En effet, le glucose contribue autant que les graisses au développement de la plaque d’athérome, et se faisant expose les personnes souffrant de diabète de type 2 a un risque beaucoup plus important d’accident coronarien. Si l’arsenal thérapeutique dont dispose le médecin pour contrôler la glycémie est suffisamment large pour envisager plusieurs scenarios selon le profil du patient, il faut toutefois reconnaître qu’il s’agit d’une condition difficile à traiter pharmacologiquement. Les médicaments sont efficaces pour réduire la glycémie, mais n’ont pas ou peu de conséquences sur la plaque d’athérome et le risque cardiovasculaire si la personne demeure sédentaire et/ou inactive et qu’elle conserve un excès de poids. Comme le souligne dans son excellent livre le Pr. Martin Juneau, directeur du centre de réadaptation de l’Institut de cardiologie de Montréal au Canada, aucun médicament, aussi efficace soit-il, ne peut corriger à lui seul les problèmes de santé associés aux mauvaises habitudes de vie (5). En d’autres termes, si la protection offerte par les médicaments n’est pas à négliger, il est possible de faire beaucoup mieux en s’attaquant aux causes profondes des maladies chroniques : une alimentation de faible qualité nutritionnelle et un manque d’activité physique (1).

Femme jouant avec son chien dans la neige fraîche

Dans la mesure où le muscle a besoin de carburant pour se contracter, l’activité physique permet tout naturellement de diminuer la glycémie de façon plus ou moins importante selon les caractéristiques de l’exercice, c’est à dire selon sa durée et son intensité. Ceci est également vrai chez les personnes atteintes du diabète de type 2, malgré leur problème de transport du glucose. Madelyne Paternostro-Bayles et ses collaborateurs de l’Université de Pittsburgh aux Etats-Unis ont en effet montré qu’un exercice de 45 à 60 minutes réalisé à une intensité modérée par des personnes diabétiques améliorait le transport du glucose vers les muscles sollicités (7). Il peut alors être utilisé comme carburant pour la contraction musculaire, ou tout simplement être mis en réserve en prévision des exercices à venir, et ce dans des proportions identiques à celles des personnes qui ne sont pas diabétiques (8). Au total, l’activité physique est donc un levier à la fois simple et efficace pour abaisser ponctuellement la glycémie des personnes diabétiques.

Le fait de répéter ces exercices de façon régulière, et d’augmenter la dépense totale d’énergie grâce à un mode de vie globalement plus actif, s’accompagne-t-il de bénéfices supplémentaires ? Sans surprise, la réponse est oui. Neil Snowling, Professeur à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Auckland en Nouvelle Zélande, a en effet montré qu’un programme d’activités physiques à dominante cardiovasculaire abaissait de façon significative l’hémoglobine glyquée, qui est un marqueur de la glycémie moyenne des 2 à 3 mois précédent la mesure (9). Si les activités à dominante neuromusculaire semblent un peu moins efficaces quand elles sont utilisées seules, il est toutefois intéressant de noter qu’elles apportent un effet additif à celui des exercices d’endurance quand ces deux types de sollicitations sont combinés (9). En d’autres termes, il y a tout à gagner à opter pour un programme d’activités physiques qui cible toutes les composantes de la condition physique, tout en gardant à l’esprit que les bénéfices seront d’autant plus importants qu’on sera également en mesure d’y associer quelques modifications nutritionnelles relativement simples (10). Au total, cette modification des habitudes de vie est tout aussi efficace que les traitements pharmacologiques les plus performants (2, 10), tout en développant par ailleurs la condition physique, le lien social et l’estime de soi.

Considérant l’ensemble de ces éléments, il serait tout à fait légitime d’imaginer que les personnes atteintes du diabète de type 2 optent largement pour ces habitudes de vie favorable à leur santé. L’enquête NHANES menée aux Etats-Unis entre 1988 et 1994 auprès de 1480 patients montre pourtant que seulement 31% d’entre eux respectent ces recommandations (6). Ces résultats ont été confirmé par l’étude BRFSS, qui a également été menée aux Etats-Unis, mais à une période différente (2001 à 2005), et auprès d’une population beaucoup plus importante (481251 participants, dont 28365 personnes atteintes du diabète de type 2) (11). La plus-value de cette seconde enquête est qu’elle montre très clairement l’influence des niveaux de diplôme et de revenus sur les comportements, puisque les personnes qui ont le niveau de diplôme le plus bas et les revenus les plus faibles sont celles qui respectent le moins les recommandations d’activité physique (11). Ce constat nous permet de mieux comprendre la difficulté rencontrée par les politiques publiques de promotion de la santé ne serait-ce qu’à infléchir les comportements. Ce n’est pas seulement une question d’éducation, c’est également une question d’aménagement et de dynamique territoriale pour permettre l’accès à l’activité physique au plus grand nombre, indépendamment de ses revenus. Au-delà de l’effet physiologique de l’activité physique sur la glycémie que nous avons précédemment décrit, et qui est indéniable, l’important est de développer des plans d’action qui ont du sens pour la personne, mais qui s’inscrivent également dans son territoire afin de prendre en compte des facteurs externes qui pèsent tout autant que l’estime de soi dans l’adoption d’habitudes de vie favorables à la santé. Cela nécessite une démarche concertée de l’ensemble des acteurs, qu’ils soient prescripteurs, opérateurs ou financeurs, et représente le principal défi à relever pour contrecarrer la pandémie d’inactivité physique qui touche la plupart des pays développés et fait le lit de la plupart des maladies chroniques.

Bateau d’aviron avec deux hommes ramant
LAURENT BOSQUET

Professeur à la Faculté des sciences du sport de l’Université de Poitiers (fss.univ-poitiers.fr)

Directeur du Laboratoire mobilité vieillissement exercice(move.labo.univ-poitiers.fr) Coordonnateur de la Chaire sport santé bien être(chairesportsante.univ-poitiers.fr)

@LaurentBosquet

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